Il existe deux sources de chaleur dans les tunnels: le sol et l’air. Dans les tunnels urbains ou souterrains, la chaleur supplémentaire qui est libérée dans l’air est générée par le transit des passagers, les manœuvres de freinage et d’accélération et les moteurs des trains. Cette chaleur dans l’air se mélange avec la chaleur rayonnant du sol. Si l’air du sous-sol se réchauffe, il a tendance à libérer l’excès de chaleur à la surface. Normalement, cette chaleur est dissipée dans l’environnement par des conduits de ventilation et d’aération, mais aussi par des accès en surface, elle reste donc thermiquement inutilisée. Les chercheurs du Laboratoire de mécanique des sols (LMS) de l’EPF de Lausanne veulent maintenant utiliser ce phénomène physique pour générer de l’énergie thermique supplémentaire. À cette fin, des calculs ont été effectués à l’aide de modèles numériques pour déterminer ce qu’on appelle le coefficient de convection thermique. Les résultats ont été publiés l’été dernier dans la revue «Applied Thermal Engineering». Les connaissances ainsi acquises permettent d’obtenir des informations plus précises sur le potentiel ther- mique des tunnels pour la production de chaleur et donc sur l’exploitation des centrales géothermiques proches de la surface.
Informations plus précises sur la chaleur résiduelle
Les conclusions scientifiques sont basées sur le mémoire de maîtrise de l’ingénieure Margaux Peltier: «Les résultats de mes recherches ont permis de mieux déterminer le coefficient de convection, dit-elle, cela nous permet de déterminer avec plus de précision la chaleur résiduelle qui peut être récupérée d’un tunnel.» Pour ses calculs, la scientifique a également inclus pour la première fois dans ses considérations les courants d’air et les tourbillons complexes générés dans les systèmesde tunnels. Elle a également pu prouver que le potentiel thermique de l’air du tunnel augmente d’autant plus que la surface des parois intérieures du tunnel est inégale et rugueuse. Jusqu’à présent, ces calculs pour les tunnels étaient approximatifs. Pour son étude, Margaux Peltier a calculé les valeurs du tunnel de la ligne de métro M3 de Lausanne, qui reliera la station principale à la Blécherette, au nord-ouest de la ville, après son achèvement prévu en 2027. «Nos recherches montrent que si 50 à 60 % du tracé prévu étaient utilisés, 60 000 mètres carrés du tunnel pourraient être exploités avec ce système géothermique et ainsi 1500 appartements standard d’une taille moyenne de 80 mètres carrés et 4000 appartements Minergie pourraient être alimentés en chaleur», explique Margaux Peltier. L’avantage de ce système est qu’il peut stocker la chaleur et la distribuer rapidement aux ménages. «Par rapport au chauffage au gaz, la ville éviterait l’émission de 2 millions de tonnes de CO₂ par an», ajoute-t-elle.
Tubes d’échangeurs de chaleur dans les parois des tunnels
Si les plans sont concrétisés, des tuyaux d’échangeur de chaleur seraient insérés à intervalles réguliers dans la structure en béton du tunnel ferroviaire souterrain et reliés à une pompe à chaleur. En intro- duisant de l’eau froide dans les tubes, le système libère de l’eau chaude à la surface. L’équipement du tunnel avec ces installations géothermiques permettrait de chauffer les bâtiments résidentiels environnants en hiver. Jusqu’à 80 % des besoins énergétiques pourraient être couverts de cette manière. Les investissements seraient négligeables. Avec une durée de vie de 50 à 100 ans, l’énergie grise est également rentable, car les pompes à chaleur ne devraient être remplacées que tous les 25 ans. Avec des panneaux inversés, l’utilisation de pompes à chaleur réversibles en été pourrait également permettre d’utiliser le froid pour le refroidissement naturel et en même temps de stocker la chaleur sous terre dans les bâtiments. «Le tunnel disposerait ainsi d’un système de chauffage et de climatisation très fiable tout au long de l’année», explique Margaux Peltier. Le système pourrait notamment être utilisé pour le chauffage, mais aussi pour le refroidissement du futur écoquartier «Métamorphose». De petits réseaux à basse température pourraient être cons-truits à cette fin. Toutefois, un raccordement au réseau de chauffage urbain existant ne serait pas possible, car Lausanne dispose d’un réseau à haute température alimenté par la chaleur résiduelle provenant de l’incinération des déchets.
Étude de faisabilité
À propos de l’étude, Lyesse Laloui, directrice de la LMS, déclare: «Cette publication montre que la technologie des tunnels énergétiques est mature et que nous pouvons l’utiliser au niveau des quartiers. Il reste à voir si l’industrie suisse est prête à jouer un rôle de pionnier dans ce domaine.» Jusqu’à présent, nulle part ailleurs dans le monde une ligne complète de tunnel de métro n’a été équipée de géostructures aussi énergétiques. Jusqu’à présent, des essais pilotes sur certains tronçons de l’itinéraire n’ont été réalisés qu’à Londres, Stuttgart et Vienne. «La faisabilité technique a été prouvée depuis des années», explique Margaux Peltier. «Cependant, le rendement énergétique de ces projets d’infrastructure est encore sous-estimé.» Les chercheurs de la LMS ont présenté les résultats de leur étude aux Services industriels (SiL) et au service des transports (TL) de Lausanne, au Canton de Vaud – maître d’œuvre du futur métro – et à la Ville de Lausanne. Une étude de faisabilité a maintenant été commandée. Margaux Peltier est confiante quant aux chances de réalisation. «Politiquement, ce serait une opportunité unique pour la ville de Lausanne, pour le canton de Vaud et pour la Suisse en général, dit-elle, la technologie des géostructures énergétiques ajoute une nouvelle dimension à l’énergie géothermique, qui devrait être utilisée plus souvent.» Elle affirme qu’il y a un certain mouvement dans l’énergie géothermique proche de la surface, qui a une capacité inférieure à celle de la géothermie profonde. « Mais si les nouveaux bâtiments et infrastructures souterraines étaient équipés de cette technologie au moment de leur construction, la demande en énergie pourrait être progressivement réduite et la proportion d’énergies renouvelables en Suisse augmentée. Pendant ce temps, les recherches se poursuivent à la LMS. Margaux Peltier travaille actuellement sur un développement plus poussé de la technologie. Par exemple, les géostructures énergétiques pourraient également être utilisées dans des ouvrages de génie civil existants, par exemple lors de la rénovation de tunnels. Elle étudie actuellement les possibilités offertes par le renouvellement des tracés des tunnels. Par exemple, elle peut imaginer d’installer des systèmes d’absorption de chaleur sous les voies ferrées. La seule condition préalable serait qu’un consommateur soit disponible à proximité, pour utiliser la chaleur résiduelle, car sinon, trop de chaleur serait perdue pendant le transport.